Changements Climatiques : Externalités Environnementales Économiques et Sociales
Changements Climatiques : Externalités Environnementales Économiques et Sociales
ARGUMENTAIRE
A peine adopté, le concept de développement durable est déjà critiqué en raison notamment de son incapacité à brider le modèle de croissance dominant, un modèle anti-environnement et fatalement polluant comme le signalait sans complaisance Latouche (2007) : « Notre surcroissance économique se heurte aux limites de la finitude de la biosphère. La capacité régénératrice de la Terre n’arrive plus à suivre la demande : l’homme transforme les ressources en déchets plus vite que la nature ne peut transformer ces déchets en nouvelles ressources »[1].
Joseph Stiglitz[2] estime que la pandémie du Covid 19 a révélé au grand jour que l'économie mondiale tournait sans roue de secours et plaide pour une meilleure mesure de la santé économique d'un pays autre et de renouvellement et en produisant que le PIB. Pour lui, le PIB ne prend pas en compte les inégalités, le manque de résilience, le manque de durabilité.
A vrai dire, l’une des critiques les plus pertinentes adressée à la neutralité des modèles néoclassiques de la croissance face aux menaces environnementales, a été déjà émise en 1972 par le Club de Rome dans son rapport intitulé « Les limites à la croissance ». L’idée sous-jacente dudit rapport est que les sociétés industrielles contemporaines sont en train de générer des externalités négatives en exploitant des ressources naturelles au-delà de leurs capacités de régénération et en produisant des quantités de polluants qui sont supérieures aux limites biophysiques de la Terre. Les polluants engendrés, outre qu’ils sont non ou difficilement transformables, constituent, bel et bien, les catalyseurs et les stimuli principaux qui ont conduit aux dérèglements écologiques et aux changements et réchauffement climatiques actuels.
Aux catastrophes dites naturelles et imparables comme les inondations, les cyclones, la désertification et autres périls menaçant l'humanité, s'est ajouté ces dernières années, le réchauffement climatique, œuvre de l'homme -contre lui-même et ses descendants- s'acharnant à réaliser une croissance toujours plus forte sous l'effet d'une mondialisation vorace provoquant, à coups d'abolition des restrictions et des frontières et d'ouverture des marchés, une concurrence coupe gorge entre des multinationales en guerre "chaude".
Outre le fait que les changements climatiques sont devenus un fait face auquel, toutes les parties prenantes doivent s'adapter pour parvenir à terme à un développement durable et parer à une décroissance[3] durable, il est considéré comme une externalité négative résultant d'un système technologique énergétivore et d'une course effrénée vers des taux de croissance élevés de multinationales qui se sont subordonné de grands États et de puissantes institutions pour protéger leurs parts de marché et poursuivre leur massacre écologique dans l'impunité.
Pour Jeffrey D. Sachs[4], un des fervents défenseurs du développement durable, le problème des changements climatiques est généralement abordé comme un compromis entre les générations. En général, il est supposé que les générations actuelles doivent faire des sacrifices aujourd'hui pour l'amélioration du bien-être des générations futures. L'atténuation des changements climatiques devient ainsi une question de l'équilibre des bien-être présents et futurs.
Ces dernières années, nous avons appris davantage sur les multiples manifestations des changements climatiques, par exemple sur la manière dont ils vont affecter les événements météorologiques extrêmes.
Il n'existe guère de doute que le climat change : les concentrations du dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère sont en hausse, tout comme les températures (GIEC 2007). En vertu de sa projection de référence, le GIEC prévoit un réchauffement de 1,1 à 6,2 °C d'ici la fin de ce siècle. Aussi, les modèles démontrent de façon constante que les augmentations des concentrations de gaz à effet de serre entraînent une augmentation de la fréquence et de l'intensité de la température et des précipitations extrêmes.
La volatilité qui caractérise les phénomènes climatiques est susceptible d'exercer des effets particulièrement importants sur les systèmes agricoles, qui peuvent être très sensibles à de tels extrêmes. Le secteur agricole, largement pointé du doigt pour son usage intensif des produits chimiques, subit également les effets néfastes de ces changements climatiques. Des études[5] ont également mis en évidence les liens qui existent entre les changements climatiques, les pertes subies par le secteur agricole et la pauvreté. Ceci est d’autant plus préoccupant que plusieurs pays parmi les plus susceptibles d'être gravement touchés par les changements climatiques sont caractérisés par l'extrême pauvreté. Ces études ont montré que l’économie a certes joué un rôle important dans l'évaluation de l'incidence du climat et des stratégies d'atténuation et d’adaptation ; néanmoins, le succès des économistes en matière d’analyse des changements climatiques nécessite un vaste engagement avec d'autres disciplines et avec la société en général, d'où la complexité de ce problème.
C’est ainsi que la FAO préconise une approche intégrale des changements climatiques qui doit tenir compte de trois niveaux : national, régional et mondial, relayer le court terme et le long terme et porter sur tous les secteurs tout en s’assurant l’engagement de tous les intervenants. Ce n’est qu’en respectant cette approche composite que la recherche d’une solution aux problèmes posés par le changement climatique parvienne à être compatibles avec les objectifs de développement durable.
C’est d’ailleurs dans cet esprit que la FAO a lancé en 2010 le concept de l'agriculture intelligente face au climat[6], une approche conçue pour aider à développer des politiques, concevoir des techniques et améliorer les conditions d'investissement pour atteindre un développement durable de l'agriculture et assurer ainsi la sécurité alimentaire face aux changements climatiques. Ce concept, fondé sur la synergie entre adaptation et atténuation, vise trois objectifs qu’il convient de rendre compatibles : la sécurité alimentaire, l’adaptation aux changements climatiques et son atténuation.
Et c'est également qu'a émergé ces dernières années le concept d'économie circulaire pour désigner "un modèle économique dont l’objectif est de produire des biens et des services de manière durable, en limitant la consommation et les gaspillages de ressources ainsi que la production des déchets. Il s’agit de rompre avec le modèle de l’économie linéaire (extraire, fabriquer, consommer, jeter) pour un modèle de l'économie circulaire.
Parallèlement, la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) a adopté le principe des "responsabilités communes mais différenciées" dont l’objectif ultime est de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre "à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse (induite par l'homme) du système climatique".
Ainsi, force est de constater que pour faire face à tous les effets néfastes du changement climatique ainsi qu’à ses externalités négatives (de moyen ou/ de long terme) aucun effort gouvernemental individualisé ne peut être efficace. Autrement dit, une vision globale à caractère mondial doit être mise en application pour pouvoir réussir la lutte contre les contrecoups sociaux et économiques d’un tel changement : à cet égard une internalisation des changements climatiques dans une logique de développement durable se veut plus qu’une exigence de premier ordre. Ceci nécessite aussi bien un consensus politique qu’une conscience commune qui doit être approuvée par la communauté internationale.
Un tel consensus a vu le jour en 2015 lorsque les Etats membres des Nations Unies se sont mis d’accord sur les Objectifs de développement durable (ODD) dont chaque pays doit y faire recours comme référentiel pouvant juger le degré de réussite de leurs politiques économiques qui devraient être orientées vers dix-sept objectifs couvrant principalement les cibles suivants : lutte contre la pauvreté, égalité, bien-être, lutte contre les changements climatiques, exploitation durable des ressources naturelles etc.
Face à cette nouvelle donne les débats actuels, entre les économistes, ont changé de champs d’intérêts et sont devenus orientés, de plus en plus, vers de nouvelles problématiques ayant comme axe central de réflexion l’arbitrage qu’il faut faire entre l’environnemental, le social et l’économique. A partir de cette problématique majeure beaucoup de questions sont générées : Est-il possible de favoriser et d’atteindre le bien être humain et la prospérité dans une économie non fondée sur la croissance ? Peut-on aboutir à une nouvelle mondialisation où les principales parties prenantes (États, Entreprises, Sociétés civiles etc.) convergent toutes vers l’adoption de nouveaux modèles économiques qui concilient l’acte productif à la protection de l’environnement ?
Quelques éléments de réponses sont déjà donnés comme le témoigne le travail de Kallis et al. (2012) qui identifient trois modèles et alternatives possibles à la croissance classique : un modèle d’économie stationnaire, un modèle sans croissance mais à vocation humaine « prospérité sans croissance » et un modèle basé sur la décroissance «Degrowth». Ces trois modèles possibles convergent vers l’idée que la croissance, selon sa logique actuelle, ne peut plus être soutenable socialement et ce pour diverses raisons (la montée des inégalités, surexploitation des ressources naturelles difficilement reproductibles, problèmes environnementaux, etc.).
Par conséquent, il devient impératif que la qualité de l’environnement prenne l’importance qu’elle mérite du fait qu’elle n’est plus un luxe mais une nécessité voire une condition première pour la survie.
Changements climatiques, développement durable, dégradation environnementale, émissions polluantes, croissance et décroissance (ainsi que d’autres termes ayant des sens voisins ou similaires) sont devenus de plus en plus récurrents dans la littérature économique, sociologique et politique. Nous sommes d’emblée dans une logique de pensée nouvelle qui mérite d’être éclairée.
C’est dans ce contexte général que notre Laboratoire PS2D envisage d'organiser son onzième colloque international autour de la problématique générique des Changements Climatiques et de leurs Externalités Environnementales, Économiques et Sociales.
THÈMES DES PLÉNIÈRES
- Quelle stratégie de lutte contre le changement climatique pour les pays en développement ?
- Changements climatiques et développement durable.
- Changements climatiques et questions sanitaires.
- Changements climatiques, économie verte et économie bleue.
- Changements climatiques et économie circulaire.
- Quel arbitrage à faire entre croissance économique et protection de l’environnement ?
- Quels sont les liens entre changements climatiques, agriculture et pauvreté ?
- Développement durable et inclusion sociale et régionale : conciliation ou conflit ?
- Comment financer les actions de lutte contre les changements climatiques et quelles sont les sources multilatérales dédiées à ces actions ?
- Quels rôles peuvent jouer chacune des parties prenantes (État, secteur privé et société civile) dans l’émergence d’un contrat social environnemental à l’échelle planétaire ?
- Existe-t-il une réelle convergence de la conscience internationale vers l’importance d’une action collective pour améliorer la qualité de l’environnement et s'acheminer réellement vers un développement durable ?
- Qu’est ce qui explique l’attitude différenciée et parfois divergente des pays face aux mesures collectives à prendre pour endiguer les effets des changements climatiques ?
- Un développement durable est-il possible face aux changements climatiques ?
- Quel modèle socio-économique peut-on concevoir dans une économie qui se penche vers la durabilité ?
- Peut-on concevoir un contrat social planétaire face aux changements climatiques ?
- Quelles sont les conséquences potentielles des changements climatiques sur les pauvres ?
- Quels sont les types et les sources de financement pour les actions en matière d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques ?
- Peut-on espérer l'émergence d'un modèle de développement conciliant les actes de production et de consommation et la conservation de l’environnement ?
- Autres questions
THÈMES DES ATELIERS
En plus des thèmes suggérés pour les plénières, toutes les contributions non déjà publiées sont sollicitées et à envoyer au mail du colloque colloque.ps2d.2022@hotmail.com avant le 15 novembre 2021. Les soumissions peuvent être en full texte ou en version préliminaire consistant en un résumé intensif avec problématique, méthodologie, plan préliminaire et les principales références bibliographiques.
DÉROULEMENT DU COLLOQUE
Le colloque se déroulera sur trois journées les 28-30 mars 2022 (Hammamet-Tunisie). Des sessions plénières et des sessions parallèles seront prévues pour que chercheurs, décideurs et acteurs impliqués puissent présenter et discuter autour du thème du colloque.
COMITÉ SCIENTIFIQUE
Abdeljabbar Bsaies, Adel Ben Youssef, Ahmed Salah, Ali Aljane, Amel Tmar, Amor Belhadi, Ayed Ben Sassi, Baccar Ghrib, Belkacem Benallal, Bernard Pecqueur, Donia Smaali Bouhlila, Fakhri Issaoui, Fatma Charfi Marrakchi, Fayçel Ben Ameur, Fetah Belaid, Fethi Nouri, Fethi Sellaouti, Foued Gabsi, Ghazi Boulila, Habib Zitouna, Hafedh Ben Abdennebi, Hafedh Bouakez, Hamadi Fehri, Hatem Mhenni, Hedi Zaiem, Hela Mehri, Joel Oudinet, Kamel Ghazouani, Kamila Bouaziz, Khaled Ben Ghorbel, Lamia Mokaddem, Lamine Hammas, Maher Gassab, Michel Dimou, Moez Laabidi, Mohamed Ben Abdellah, Mohamed Elloumi, Mohamed Haddar, Mongi Boughzala, Mongi Mokaddem, Mouez Soussi, Mouhoub Mouhoud, Najib Gharbi, Nouri Chtourou, Paul Makdissi, Patrick Plane, Rana Dallali, Rayhana El Asmi Chabbouh, Riadh Ben Jelili, Safouane Ben Aissa, Salem Kanoun, Sami Aouadi, Sami Hammami, Samir Abdelhafidh, Samir Ghazouani, Salma Zouari, seifeddine Sassi, Souha Temimi, Slim Driss, Sofiene Ghali, Yannick L'Horty, Younes Boujelbene.
CONFÉRENCIERS INVITÉS
Abdejabbar Bsaies (FSEGT), Adel Ben Youssef (Univ. Nice), Albert Marouani (Univ. Toulon), André Torre (INRA Paris), Chokri Mezghanni (Ministère de l'environnement), Fateh Belaid (Univ. Nice), Med Hédi Zaiem (ESSAI), Mehdi Lahlou (Univ. Casablanca), Michel Midou (Univ. Toulon), Said Chakri (Expert et consultant en CC et DD), Samir Allal (Univ. Versaille), Samir Meddeb (Consultant en DD), Serge Latouche (Univ. Paris-Sud), Zouhaier Hlaoui (Fac Des Lettres de Tunis).
DATES À RETENIR
Soumission (abstract ou full-texte) : jusqu'au 15 novembre 2021
Réponses d'acceptation préliminaire : 22 novembre 2021
Réception des communications full-texte : avant le 15 décembre 2021
Réception des versions définitives des textes après évaluation : 15 février 2022
Confirmation de la participation : 01 mars 2022
COMITÉ D’ORGANISATION
Amel Tmar, Ayed Ben Sassi, Donia Smaali Bouhlila, Fakhri Issaouai, Kamila Bouaziz, Khaled Ben Ghorbel, Mohamed El Ouerdi, Mouez Soussi, Mouna Moualhi, Oumayma Driss, Rayhana El Asmi Chabbouh, Rana Dallali, Sami Aouadi, Samir Ghazouani
LANGUES DU COLLOQUE: Arabe, Français, Anglais
FRAIS DE PARTICIPATION : 400 Dinars tunisiens ou 200 Euros.
[1]Latouche, S. (2007). Petit traité de la décroissance sereine. Paris : Mille et une nuits, p. 42
[2] Prix Nobel d’Économie.
[3] Concept développé officiellement à partir de 2008 dans la conférence Degrowth
[4] Jeffrey D. Sachs (2015), Climate Change and Intergenerational Well-Being, The Oxford Handbook of the Macroeconomics of Global Warming,
[5] Thomas W. Hertel and Stephanie D. Rosch (2010), Climate Change, Agriculture and Poverty, Policy Research Working Paper, The World Bank.
[6] Climate Smart Agriculture (CSA).